Tchad : les lacs d’Ounianga en plein désert, un phénomène naturel remarquable

Article : Tchad : les lacs d’Ounianga en plein désert, un phénomène naturel remarquable
Crédit: Emilien Lebourgeois
6 octobre 2022

Tchad : les lacs d’Ounianga en plein désert, un phénomène naturel remarquable

Le Tchad carrefour de la culture, regorge des richesses minières et naturelles énormes. Placés sous le patrimoine mondial de l’UNESCO, les lacs d’Ounianga en plein désert sont incroyables. Le site comprend 18 lacs interconnectés, situés dans le désert du Sahara, dans la région d’Ennedi. Il s’agit d’un large complexe de lacs (62 808 hectares) dans un environnement hyperaride et d’un paysage naturel exceptionnel qui doit sa beauté à la variété spectaculaire des formes et des couleurs. Dans ce billet, je vais vous présenter l’une des merveilles de mon pays, les lacs d’Ounianga en plein désert.

Ounianga Sérir, lac Elimé, l’un des dix huit lacs interconnectés d’Ounianga au nord du Tchad. Crédit: Emilien Lebourgeois/ Flikr

Histoire

Une végétation envahissante et de l’eau en abondance, le Sahara des milliers d’années auparavant, pendant sa période humide, était bien différent. En ces temps, les fleuves ruisselant en quantité depuis les hautes terres se jetaient dans des creux géologiques, formant ainsi des plans lacustres de différentes tailles et d’énormes réservoirs d’eau sous le sol. Les rivières, les lacs et les savanes formaient un écosystème propice à la vie. Mais avec le changement climatique, le désert s’est installé progressivement. Presque toutes les masses d’eau se sont évaporées, sauf les lacs d’Ounianga

Ounianga regroupe les plus éminents lacs en termes de taille et de profondeur dans le Sahara, au nord du Tchad. Le site occupe une superficie totale de 20 km², depuis Ounianga Serir à l’est, dont le lac principal Teli représente l’équivalent de 600 terrains de football, au grand Ounianga Kebir à l’ouest où se trouve le lac Yoa. En plus d’être le plus profond, ce dernier détient le plus grand volume d’eau parmi tous les lacs du désert.

Ounianga Kebir, lac Yoan, l’un des dix huit lacs interconnectés d’Ounianga qui resiste malgré le changement climatique. Crédit : Emilien Lebourgeois/Flikr

Des lacs connectés…

Sous le sol, de gigantesques réservoirs d’eau souterraine sont reliés aux lacs d’Ounianga, les alimentant pour compenser l’eau perdue par évaporation sous le climat aride du Sahara. À la surface, des roseaux fleurissent abondamment, formant une forêt flottante sur l’eau. Les alizés du nord-est balaient incessamment le paysage, accompagnant le phénomène d’évaporation dans un effet de refroidissement de l’eau dans la zone. L’ensemble de ces facteurs contribue à préserver la fraîcheur des lacs d’Ounianga au sein desquels l’eau affiche une température moyenne de 17 °C.

Ounianga Sérir, lac Elimé, l’un des dix huit lacs interconnectés d’Ounianga au Tchad. Crédit : Emilien Lebourgeois/Flikr

Autour des bassins, des dunes de sable « errantes » poussées par les vents forment un paysage vivant dans le désert depuis des millénaires. Certaines se déversent et disparaissent dans les lacs, tandis que d’autres forment des langues de sable qui, d’année en année, s’incrustent un petit peu plus dans les bassins. À un moment donné, elles finissent par séparer complètement les lacs. C’était le cas du site d’Ounianga Serir qui figurait autrefois comme un lac d’eau douce unique et connecté. 16 bassins de dimensions différentes ont vu le jour après que le sable se soit insinué progressivement dans les eaux. Le lac katam lui aussi est aujourd’hui divisé en deux parties par une langue de sable. Une particularité, l’abondance de spiruline en son sein a fait que son eau soit bleue d’un côté et verte de l’autre.

Ounianga, un réservoir d’eau et de vie

Avec l’expansion du désert et le dessèchement de la savane dans le nord du pays, les lacs d’Ounianga, avec les ruisseaux éphémères et les gueltas du plateau de l’Ennedi , font partie des rares lieux maintenant la vie faunique et végétale dans le Sahara. Le lièvre du Cap, le renard fennec, le chacal, la gazelle dorcas et la hyène tachetée sont quelques-uns des mammifères identifiés dans la région. Des oiseaux aquatiques et nicheurs fréquentent également Ounianga, tel que le pélican blanc, la sarcelle marbrée, la sarcelle du cap ou encore le flamant rose d’une part, la casquette noire Sylva atricapilla, le corbeau pie, le hibou, la tourterelle et le chichaff d’autre part. Le lac Teli héberge une population de poissons qui a évolué dans un écosystème isolé. Vous y trouverez des carpes et des silures, la perche du Nil et la cichlide rouge entre autres.

Ounianga Sérir, lac Elimé et ses verdures, un réservoir d’eau, source de vie pour les populations. Crédit : Emilien Lebourgeois/Flickr

Des souchets à deux épis, des roseaux à balais et des massettes du cap forment d’étroits peuplements autour de la plupart des lacs d’Ounianga. De manière globale, des roseaux flottants tapissent leur surface. D’autres espèces végétales ont été identifiées dans l’ensemble lacustre, comme le phytoplancton, le nénuphar et la rupelle maritime. Sur les rives du lac salin Yoa, la spiruline reconnaissable à sa tente vert clair fait l’objet d’une véritable culture pour sa richesse en protéines. Les dattiers quant à eux ont cédé leur place aux palmiers doum.

Ounianga, un cadeau de Mère Nature

Les lacs d’Ounianga représentent une ressource vitale pour les populations locales. Des fouilles archéologiques attestent d’une présence humaine autour du site à une époque lointaine. Les Toubous sont les principaux habitants de cette partie du Tchad. Bien que leur principal refuge soit le massif du Tibesti, ceux-ci détenaient autrefois le contrôle des routes commerciales du centre-est du Sahara.

Une habitante du lac Yoan d’Ounianga Kebir. Crédit : Emilien Lebourgeois /Flikr

Jusqu’à ce jour, des communautés vivent à la lisière des lacs principaux, comme Ounianga Kebir près du lac Yoan et Ounianga Serir, plus petite, à proximité du lac Teli. En plus de la culture de fruits et légumes, les autochtones pratiquent une pêche de subsistance et l’élevage du bétail (chameaux, ovins et bovins). La collecte de soude et de sel dans le lac Yoa fait également partie des sources traditionnelles de revenus des habitants.

Quelques commerces à Ouanianga Kebir. Crédit : Emilien Lebourgeois / Flikr
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